Ce moment
Ce soir, Ignis avait du mal à se coucher. Il était bien accoutumé au genre de luxe que l’on trouvait dans cet établissement, mais cela faisait maintenant plusieurs jours qu’il était en route. Et donc pour l’instant, il s’attendait plutôt à des motels ruraux ou même à la tente de Gladio, qui commençait à devenir de plus en plus éventrée chaque soir. L’occasion de profiter d’une chambre comme celles de l’hôtel de la Baie de Galdina sembla quelque peu insolite. Mais après quelques jours tous les quatre seraient à Altissia, et puis ils mettraient fin à cette aventure.
Malgré cela, Ignis était toujours éveillé. Il y avait une légère vibration dans l’air, comme l’électricité. Il se demanda si cela pouvait être un effet du système de climatisation. Quand même, il n’y en avait pas besoin si près de la mer. Il bougea un peu dans son lit. Il avait le sentiment que quelque chose d’inconnu était sur le point d’arriver. Ignis supposait que c’était l’anticipation des noces du prince qui lui motivait à penser comme tel.
Quelqu’un frappa à la porte. Ce fut un bruit fort : le visiteur avait évidemment pensé que tous les occupants de la chambre seraient endormis. En fait, Ignis s’étonna qu’aucun des autres ne se réveillait. Lui, il se leva lentement et se précipita vers le son. Il sentait la moquette épaisse sous ses pieds nus.
Il ne reconnut pas l’homme qui était dans le couloir : il faisait nuit, et il n’y avait que très peu de lumière. Quand les yeux d’Ignis s’y ajustèrent, il trouva que cela ne l’aidait pas du tout à identifier cet homme. Le visiteur portait néanmoins un uniforme qui révélait qu’il faisait partie du personnel de l’hôtel.
« Qu’est-ce qu’il y a ? » chuchota Ignis. Le couloir était vide à part lui et l’inconnu ; il entendit sa propre voix qui retentit un peu contre les murs.
« Il y a le prince qui fait partie de votre groupe, n’est-ce pas ? dit l’homme. Il est dans la chambre ? » Il fait bouger la tête comme s’il voulait voir Noctis. Ignis refléta ses mouvements, inconsciemment, pour qu’il ne puisse pas réussir.
« C’est vrai, dit-il. Et quoi, alors ?
– Il y a eu un incident. Vous devriez en être conscient. »
L’homme donna à Ignis un journal : c’était l’édition du matin, qui venait d’être livré, ses pages toujours rigides. Ignis le prit dans ses deux mains ; il le regarda ; et puis, il se rendit compte que ce moment fut celui auquel il s’était attendu. Ce fut le moment où tout changea.
« Vous avez plus d’informations ? » dit-il. Sa voix lui sembla maintenant trop faible, ou peut-être trop bruyant. Il avait du mal à se concentrer suffisamment pour produire des mots compréhensibles.
« Il y a un poste de radio à l’accueil. Nous écoutons déjà. Vous pouvez nous rejoindre, si vous voulez. »
Ignis hocha la tête. « Oui. Mais – » Il ne voulait pas y aller seul, et les autres devraient savoir ce qui s’était passé. Il se demanda lequel serait le premier à se réveiller.
« Attendez, dit-il. Je vais chercher un camarade. »
Il rentra dans la chambre sans comprendre comment il était toujours possible de se tenir debout. Ses mains tremblaient, mais il était toutefois capable de marcher comme si tout allait bien. C’était troublant.
Dans la chambre silencieuse, il trouva Gladio.
« Réveille-toi, murmura-t-il. Gladio, c’est important. »
Gladio se réveilla brusquement ; il était tendu, prêt à se battre.
« C’est moi, dit Ignis, et le corps de Gladio se relâcha. Tu dois venir avec moi. C’est urgent.
– Iggy ? dit-il. Qu’est-ce que tu as ?
– Tu verras. Vas-y, lève-toi. »
Gladio se leva, en murmurant quelque chose d’incompréhensible, et il suivit Ignis jusqu’au couloir, lent et désorienté comme une grosse bête. Après quelques secondes, Ignis lui donna le journal.
« Putain, dit Gladio.
– J’ai eu le même réaction.
– Qu’est-ce qu’il faut faire ?
– Je ne sais pas, admit Ignis. Ils ont une radio à l’accueil. On va écouter ? »
Gladio hocha la tête. Il avait l’air malade, depuis quelques secondes seulement.
Ils continuèrent vers l’accueil et s’assirent sur un canapé. Comme tous les meubles de l’accueil, il était trop élégant pour ce genre d’exercice, ainsi que pour les mots que Gladio prononçait par moments. Au début, les deux amis écoutaient sans échanger un mot, mais au fil du temps il transpira qu’il n’y avait plus aucunes nouvelles informations, alors ils commencèrent lentement à parler. Tout ce qu’ils disaient semblait inutile, ridicule. Qu’est-ce qu’il y avait à faire dans cette situation ? Néanmoins, ils arrivèrent à prendre une décision peu avant le lever du soleil. Ils expliqueraient ce qui s’était passé à Noctis, et s’il était d’accord avec eux, ils rentraient à Insomnia tout de suite. Ce faisant, ils seraient plus informés sur la situation.
« On y va ? dit Gladio.
– Oui. »
Ignis se leva ; il s’éloigna de la radio. Après une ou deux minutes il ne l’entendait plus ; le seul bruit était celui de ses propres pas, et de ceux de Gladio à son côté. Il marcha le long du couloir, et arriva à la chambre. Il tendit une main, la mit contre la porte, et hésita. Il devrait désormais tout expliquer à Noctis, et après, rien ne serait comme il avait été avant.
Il ouvrit la porte.