Bon rétablissement

Claudine Folia faisait son mieux pour assurer que les enfants ne dérangeaient pas Biggs pendant son rétablissement. Il appréciait ses efforts : il aimait bien les enfants, et il y en avait certains qu’il connaissait très bien aussi, étant donné qu’il avait travaillé dans la Maison Feuillue avant de s’installer au secteur 7. Il les avait vus grandir et trouver leur personnalité unique, chacune charmante et vive. Mais pour l’instant, il devait se rétablir : il n’avait pas assez d’énergie pour recevoir des visiteurs. Claudine était la seule qui lui rendait visite, et même le fait de parler avec elle le laissait très fatigué.

« Il y a un garçon qui veut te voir, remarqua-t-elle deux jours après que Biggs s’était réveillé. Je lui ai dit de ne pas te déranger.

– Je dois te remercier, dit Biggs. Mais je me demande qui il pourrait être.

– Je ne sais pas, dit-elle. Il est là chaque jour, même avant que je me lève. Toujours avec les mêmes questions.

– Vraiment ? Peut-être qu’il faut le laisser entrer, dans ce cas.

– Ça ne peut pas être si important.

– Mais quand même… il est comment, ce gars ? Il est possible que je le connais. Il vient peut-être du secteur 7.

– Comment décrire… dit-elle. Bah, il a le visage un peu potelé… il porte un bandana rouge. »

Biggs essaya brusquement de s’asseoir ; son épaule lui fit soudainement mal. Il laissa échapper un hoquet.

« Qu’est-ce que tu fais là ? dit Claudine. Tu sais que tu dois te rétablir. Ne bouge pas comme ça.

– Ça doit donc être Wedge, dit-il. Lui, il est permis. Je veux bien le voir.

– Oh, dit Claudine, et elle baissa la tête et rougit un peu.

– Qu’est-ce qu’il y a ? demanda-t-il.

– Je suis désolée. Je ne savais pas que c’était ton amant. »

C’était à Biggs de rougir maintenant. « Qu’est-ce que tu veux dire ? dit-il. C’est mon meilleur ami – c’est tout.

– Oh, » dit Claudine une deuxième fois, et elle parut même plus embarrassée.

« Pourquoi tu pensais –

– Je me suis trompée. Mais – » Elle soupira. « En fait, tu l’appelais quand tu étais endormi. Tu disais son nom. Si j’avais su qu’il s’agissait de la même personne, je l’aurais laissé entrer, je le jure : je savais que tu avais besoin de lui. Mais je ne m’étais pas rendu compte que c’était le même garçon. » Elle se leva. « Je vais aller le chercher. »

Biggs laissa la tête tomber sur son oreiller et écouta les pas de Claudine qui descendait l’escalier. Il se sentait un peu désorienté : c’était sans doute une réaction aux médicaments qu’il devait prendre. Après cette conversation de si peu de longueur, il voulait néanmoins déjà s’endormir.

Mais après quelques minutes, il y eut Wedge qui entra dans la chambre. Il était visiblement blessé, pas si gravement que Biggs même s’il y avait des pansements sur son visage et ses bras ; mais il souriait comme s’il était en très bonne santé.

« Si seulement je me sentais si bien que ça, murmura Biggs, avant que Wedge ne l’approche et le serre étroitement dans ses bras.

– Arrête ça, ajouta-t-il faiblement après quelques secondes. C’est trop fort. Je n’arrive pas à respirer…

– Désolé, dit Wedge, je suis désolé ! Mais je ne savais pas si tu t’étais réveillé. J’ai parlé avec la dame chaque jour, mais elle ne voulait jamais entrer dans les détails. Je voulais juste savoir comment tu allais. »

Il y avait des larmes dans ses yeux : Biggs fit semblant de les ignorer. « Ça prendra du temps, dit-il, mais le médecin a dit qu’on n’a pas besoin de s’en soucier. Je vais me restituer sans aucun problème. La pire chose pour l’instant, c’est que je dois prendre ces pilules qui me rendent fatigué et désorienté. »

Wedge grimaça. « C’est horrible. Moi, j’avais beaucoup de chance. J’ai été légèrement blessé dans le secteur 7 et puis pendant les combats dans le bâtiment Shinra, mais –

– Wedge, » dit Biggs. Il commençait à devenir très fatigué. « Qu’est-ce que tu as dit à Claudine ?

– A qui ?

– La femme avec qui tu parlais là-bas, clarifia-t-il en fermant les yeux. Elle était ici, il y a quelques minutes ; elle pensait que nous étions en couple, moi et toi. Tu as dit quelque chose pour l’en convaincre, sans doute. Sinon, elle n’aurait pas… » Cette histoire semblait quelque peu confus. Peut-être qu’il y en avait un autre constituent qu’il avait oublié.

Wedge hésita, et puis il dit : « Je devais lui dire quelque chose pour la persuader de me laisser entrer. Je lui ai dit que tu étais la personne la plus importante de ma vie. »

Biggs rouvrit les yeux. Il reconnut la sensation d’un sourire qui naissait aux lèvres. « C’est vrai, ça ? demanda-t-il.

– Ça te dérange ? »

Il fit non lentement de la tête. Cela demanda un gros effort. Il aurait préféré s’endormir.

« Moi je pourrais dire la même chose, murmura-t-il. Je veux dire, à propos de toi. Euh, c’est que…

– Je comprends.

– Désolé, dit Biggs, dans un moment de lucidité. C’est ces médicaments. Je suis absolument nul ; je ne peux pas rester éveillé. » Il regarda son ami. « Mais tu es blessé aussi, n’est-ce pas ? Tu n’aurais pas dû venir ici tous les jours. Tu dois te reposer, toi.

– Non, dit Wedge, j’ai déjà dit que ça va, ça ne m’agace pas…

– Tu te couches ici, oui ? suggéra Biggs. Il y a de la place dans mon lit. Viens, tu peux t’installer. Attends. » Il bougea un peu pour faire de la place à Wedge, mais son ami ne s’approcha pas de lui.

Biggs éprouva soudainement un fort sentiment d’être seul. Jusqu’à ce moment, Wedge avait été là avec lui, un camarade de qui il avait une forte connaissance et à qui il se fiait comme personne d’autre. Mais avec ce refus, il était comme si un mur avait descendu entre les deux.

« Wedge, dit-il piteusement, je t’implore – je veux que tu restes avec moi, ne t’en va pas…

– Tu veux vraiment que je me couche dans ton lit ? dit Wedge. A tes côtés ? Non, Biggs, ne pleure pas, je vais bien le faire, si c’est ce que tu veux… »

S’il pleurait, Biggs ne le savait pas. A ce stade, il était plus conscient de la présence de Wedge que de son propre corps. Après quelques secondes, il remarqua la sensation de Wedge serré contre lui, les mains chaudes de Wedge sur ses bras. Il soupira : tout irait bien.

« Ne me quitte pas, dit-il.

– Jamais. Je te le promets. »

Les lèvres de Wedge touchèrent légèrement son front. Ce fut la dernière sensation qu’il connut avant de s’endormir.